Matt Mahlen

Cordel n°2, précisions sonores

Poésie

Pour vous donnez un aperçu de ce que nous avons concocté, voici deux titres. Un grand merci ici au Studio Lapaille de Forcalquier qui a mixé et fait pétiller le tout. En texte et en musique. Bonne découverte !

Ça ne mange pas de pain

Est-ce que les choses qui ne mangent pas de pain
tiennent toutes entières dans la main  ?
Peut-on les mettre dans la poche, les porter avec nous  ?
Sont-elles môches, de celles dont on se fout  ?
Ont de la brioche ou bien du mou  ?
Juste quelques miettes
de la petite rapine
qui se débine,
nous filent entre les doigts
choses qu’on balaie
d’un revers de la main
on n’y fait pas attention
et elles nous attendent au tournant
boulettes qui nous étouffent lentement
les choses qui ne mangent pas de pain
sont dans un tiroir
une boîte noire
un coin de notre vie
et nous en avons grandement besoin

Maintenant l’ombre

l’ombre grignote les chemins
s’élance par dessus les barrières
et se moque des barbelés de fer
qui couturent le pays au loin
et veulent le tenir serré
l’avoir sous la main
alors qu’il file et se déguise
en un vert bleu jaune arlequin
 
maintenant l’ombre s’avance
elle agrandit la terre entière
sans en avoir l’air
tente sa chance
elle qui était toute pognée
ramassée au fond des vallons
presque en désespérance
terrée au creux des vallées
 
Maintenant l’ombre se venge
de chaque jour insolent
vient son tour elle gomme
et le gros soleil fanfaron
qui se drapait d’éternité
pensait repousser l’automne
le voilà flanqué au tapis
à force d’avoir été
 
maintenant l’ombre s’étale
elle se jette sur le temps
laissant le soleil sur la paille
dévore dévale les champs
se moque de la lumière
prend sa revanche sur les jaunes
royaume en silence qu’elle conquiert
dérobant tous les chaumes
 
maintenant l’ombre s’envole
tache d’atteindre ton visage les étoiles
devient vite le grand avaloir
se cachera ensuite dans le noir
elle est la gueule d’hiver bouffant
le monde des fougères des forêts
s’empiffrant de fourrés se fourrant
jusqu’au feu dans le gosier